Tendre Lilia.

Article : Tendre Lilia.
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29 avril 2016

Tendre Lilia.

Tendre Lilia,

                                   J’ai peut-être tort de t’écrire cette lettre pour te raconter et te décrire ces histoires qui ne t’engagent pas mon cher petit être. Oui ma bouboule tu es la mauvaise destinataire, mais que faire d’autre si ce n’est pas à toi que je l’adresse, toi mon rayon de soleil, mon amour et ma folie.
Lilia, j’ai été chez une amie pour passer une semaine dans un coin du centre-ville de la cité de l’indépendance, les Gonaïves. C’était un décembre 2011, je venais dans le cadre d’un petit exercice de travail de terrain qu’on m’avait donné à la faculté. J’ai vu et observé ce petit garçon qui devrait avoir entre 5 ans et 8 ans entre la rue Liberté et devant la place d’Armes de la ville. Son beau visage est resté à nos jours dans les paramètres de mes pensées. Ce petit ange si frêle, si innocent qui se bat avec la vie pour sa survie. Son prénom est Ti-Antoine me dit-il, il ne connait pas son nom complet. Mais c’est surement ‘’Enfant de rue ‘’ son vrai nom, oui c’est pitoyable de le dire moins de l’accepter, c’est une réalité mon pauvre bébé.

Sa vie est faite de tout ce que je vais te raconter ici: Il joue à cache-cache avec le soleil, à cache-cache avec son désespoir, à cache-cache avec sa misère. Sous les aisselles du petit matin il trône sur les trottoirs pour crever sa faim, panser ses blessures et sauver son sourire. Cet enfant valse avec la joie comme l’océan avec ses vagues, comme la douleur avec les larmes, comme la soif avec la salive. Son front égaré dans les racines de l’incertain, il mendie, il s’humilie. Sur chaque tronc d’arbre, il dessine son temps, il peint sa peine et son malheur sur l’espace. Cet enfant crie, il demande que ses yeux prennent la direction d’un monde opacifié par la fumée de l’or et de vie, Il veut goûter à la passion de l’aurore et dîner autour d’une belle table avec un papa, une maman et des frères et sœurs comme beaucoup d’autres. Malgré la chair rugueuse des jours, l’enfant ravale ses pleurs, Il apprivoise ses cauchemars et combat sa faim et ses désirs. Des jours sans pain et avec la maladie, sa vie ridée, déshabillée de toute beauté est une vie ensevelie ! Cet enfant remue la mousse de la vie dans les pétales du petit matin ou son espoir est caché dans les replis du jour, dans les radicelles de l’éclair dans la corolle des tourments, dans le pistil des rêves. L’espoir est lové dans la pulpe de ses yeux. La sueur au front, il trébuche, il se retient, Il s’anime. Il torture sa chair en étalant son désarroi. Il mendie partout, aux grands comme aux petits. Son chant allait et venait toujours les mêmes refrains et les collines se défeuillaient devant lui. Les heures et les jours s’escaladent, il tient encore à vivre, que dire ? Il veut exister! La savane de sa vie est un désert. Son silence s’éleve entre son cœur et son corps. Cet enfant regarde sans trop savoir quoi et pourquoi. Le sol creuse sous ses pieds et le ciel s’écroule et les mêmes mots, les mêmes adjectifs : ‘’malheureux, chétif, désespéré, abandonné’’ constituent le registre lexical du train de sa vie. Comme si sa vie était un carnaval de peur et d’injustice. Le rêve pour lui une sorcellerie. Il ne sait ni lire ni écrire. Il ne savait que mendier dès la première heure du matin, se reposer à l’aube sur les trottoirs et les détritus et chante son réveil dès minuit. Le paysage de son sommeil saigne, l’amertume se dresse sur les milles pattes. La chaleur, le froid ont tout brulé, même les belles gousses de son existence. Quand le soleil est en colère, ses yeux et ses cheveux sont jaunes, ses jambes tremblaient, sa salive séchait et son corps s’endolorit. Quand la pluie pèle toute la terre, son nid se défait. Tous les coins sont humides, et son repos un fiasco. Dans les flammèches du jour, les cases éparpillées, les monts, les plaines sur son dos, il avance et espère, il croit et vit, il avance de nouveau et refuse de mourir. Il est dans ce présent entre ces choix d’effondrement ou d’écrasement. Il regarde un demain qui brille dans les tréfonds de l’incertain. Il a ce décor d’un passé qui salit son histoire. Et ses droits oubliés dans les couloirs de l’injustice. Son existence s’est noyée derrière la justice sociale, car il est enfant de rues, Il s’en va l’œil encore ouvert, en attendant une brise d’étincelle, une petite partie de celle de toi et moi. Une petite part de la nôtre pour tenter d’éclairer sa voie, pour essayer de briser la voix du mal et de la misère.
Oui, ma chérie, en écrivant cette lettre mes chaudes larmes débordent sur mes joues, de froides pluies amères se déversent sur mes jours. Je ne peux contenir cette envie de te voir, ton beau sourire si tu en aurais, tes yeux et tes éclats de rire. Enfin tout de toi!
Lilia tout de suite je me demande entre toi et lui, lequel a le plus de chance. Toi qui n’arrive pas à être né mais qui a toutes les avantages du monde qui t’attendent, avec une maman avocate, assistante sociale qui habite un château dans les hauteurs de Thomassin et lui qui a son souffle de vie mais qui traine sur les trottoirs, sans cette maman pour prendre soin de lui ? Combien le monde est injuste! Oui, injuste pour vous deux. Vous êtes mes deux morts, car ces conditions de vie déshumanisantes, précaires, cette forme de vie dans la pauvreté est cet état qui met l’individu hors de la société.  Lilia, toi mon souffle de vie, tu es mon illusion et Ti-Antoine est ce petit être inconnu mais si réel. Je vous aime et c’est votre vie, votre existence réelle que je pleure. Ma lettre réclame ta vie Lilia. Et ces mots sont pour dire que Ti-Antoine doit aussi s’intégrer, vivre et exister.
Ma Lilia, toi dont le monde ignore encore le vrai et beau visage. Dis-moi que faire de cet enfant ? Écris à ta maman pour lui dire dans ce monde dont tu es à présent, existe-t-il autant d’injustices, d’inégalités et de bêtises ? Je veux bien conclure pour savoir entre ta mort et sa vie mourante, laquelle préférée ?  Il est surement plus là, notre pauvre Ti-Antoine, mais je sais qu’ici quand un enfant de rue quitte les trottoirs, il y en a d’autres qui viennent. Bien sûr ! Ici la protection citoyenne, la protection à l’enfance ce ne sont encore rien que des discours. Et je te promets pendant que j’y pense, en ton nom adressé une lettre au chef d’État. Inspire-moi pour trouver les mots justes mon petit amour d’ange. Dis-moi comment bien dire aux hommes D’État pourquoi pas le sort des enfants au centre de leur politique et leur projet de société?.
Li, maman est toujours si malade de ton absence, elle va revenir dans un quart de seconde l’infirmière pour me demander de déposer ma plume et mon cahier, mais je m’en vais t’aimer mon tendre amour, en attendant de me dire que faire de cet enfant de rue. Que faire pour ces enfants de rues, dis-moi donc dans ce long et doux sommeil qui a l’instant frappe à ma porte.

Affectueusement ta maman.

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Commentaires

Berlie
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A part d’etre bien écrit, ton texte est vibrant, Vita. Des horripilations partout. Puisse ce texte éveiller certaines consciences... Pitié!

Benlee Jeff Ambroise
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Vita Pierre je te felicite pour ce si beau texte. Le petit garçon de rue incarne le symbole de tout les enfants livrés à eux-mêmes partout dans le pays. Je t'encourage à continuer à defendre tes ideaux que je partage car les valeurs humanistes , le desir de combattre l'injustice sociale doit être au coeur de nos pensées et actions. Felicitations très chère ta main peut servir d'arme et bien plus encore pour combattre l'inacceptable.

Deewoy
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felicitation Vita P,y'a encore bcp d'avenir

ROBILLARD
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Très beau texte Vita, c'est touchant!!! La situation de ces innocents de rues est alarmante. C'est l'heure, cest l'heure, c'est l'heure il faut que les instances concernées prennent leur responsabilité et passent de discours aux actes.

Milius Torricelli
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Après poétesse,devrait y avoir le mot MAGICIENNE...En te lisant,je me suis vite retrouvé dans le monde des Ti Antoine...Merci!
Très beau texte!!!

Benjamin Désir
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Je trouve que ton texte est très original, touchant une réalité aveuglée par le sentiment d'egoïsme de la société actuelle. "Les roses ne choisissent pas oú elles doivent germer", les enfants sont les prémices d'une génération meilleure mais leur importance sont souvent négligée et du coup c'est la garentie d'un avenir incertain et boiteux.
Très beau texte Vivi, beaucoup d'inspiration qui éveille une conscience générale...

Milius Torricelli
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Après poétesse,devrait y avoir le mot MAGICIENNE...En te lisant,je me suis vite retrouvé dans le monde des Ti Antoine...Merci!
Très beau texte!

Vita PIERRE
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Merci beaucoup a tous!

Wakim
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Félicitations Vita! Je suis agréablement surpris.
Ton texte est remarquable. T'as le devoir de continuer et de t’améliorer.
Merci de la part de ces enfants...

Duchelande
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Felicitations Vita. Le vent souffle du Bon Cote. Hisse tes voiles et avance au large. Je suis tres fier de tes realisations.

Junior Agena
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La littérature est le lieu où tout se dit, c est la croisée de toutes les disciplines. Mais, pour y avoir droit de cité l'objet doit être traité avec la plus grande noblesse. On doit savoir y mettre de l'esprit et de la finesse. Sinon on ne parviendra pas à le rendre littéraire. Tout peut devenir littéraire. Mais pour cette transformation, il faut avoir le sens de la magie des mots et une vive imagination. Je te félicite d'avoir de telles qualités. En un mot tu as vraiment le sens littéraire. Tu n'es pas trop loin de pouvoir franchir la porte du grand Art et dîner dans la cours des grands. Alors, je t'encourage de développer à la perfection ton sens littéraire.

Marc Louverture
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Wow! Merci Vita pour cette belle plume qui pond sa magie dans une lettre à fond poétique où les mots chantent et dansent l'amertume pour un coeur qui se trouve entre la tristesse de voir un enfant qui ne peut pas naître qui a tout à sa disposition et un autre qui est né mais qui souffre de toutes les inégalités sociales de notre pays. C'est vraiment triste. Et révoltant aussi! Tu fais appel à la conscience de l'homme à travers le texte. Franchement, je ne sais comment te remercier pour ce beau partage.

Tout au long de la lecture, mon âme blesse et guérit; blesser de voir l'enfer que vit un enfant qui aimerait vivre comme tout enfant mais la mauvaise gouvernance du pays fragilise son avenir comme tous les autres enfants des rues. Mais guérir par la douceur de tes mots, leurs vibrations, leur musicalité et par l'empreinte de ton âme dans le texte.

Ewa Vita! Tiens bon! L'avenir te dira le reste...

Pierre Arnel Marc
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tu sais comment toucher les âmes ! t'es une magicienne.

Michel Davermann Frandly
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Bravo Vita❗️

bengy
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Tu fais appel à la conscience de l’homme à travers le texte

Widelin FRANÇOIS
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Je ne trouve pas les mots pour te féliciter Maitre Vita. Mais faut-il bien que je te dise quelque chose : toutes mes félicitations Vita, je te souhaite tant de succès.

MINGOLOVE ROMAIN
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Chère soeur de plume,

J'ai lu avec une pincée de tristesse ton texte qui fait étalage de la marrante réalité des Ti-Antoine de

MINGOLOVE ROMAIN
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Chère soeur de plume,

J’ai lu avec une pincée de tristesse ton texte qui fait étalage de la marrante réalité des Ti-Antoine de notre terre natale. Mis à part le flot d'images et devpoésie qui déborde de ton texte, quelque chose me rappelle bien ce que ma mère me disait toujours quand j'étais enfant, "Ayez de la compassion pour les moins fortunés, car qui sait si c'est pas l'un d'eux qui prend votre place."

Merci pour cette reflexion si poignante.

Eddlie M Charles
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Je suis fière de toi Vita !

Rouzard
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Waaaaw ! C très bien Vivi.... J'adore. La prochaine fois tu m'fais un truc sur l'énergie libre. Bravo !

Jean Carlo
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Reponse de Ma Maman Odiana MILIEN

Chère Vita,

J'ai pris le temps de lire, de parcourir la lettre adresser à Lilia, mot a mot, ligne en ligne. A cela, je la trouve pathétique, antipathique quelques parts. Cette lettre, d'une double dimension, décrit la réalité quotidienne des enfants de rue et la fossé existant entre eux et les autres. Elle met à nu ton amertume, ton impuissance et ta faiblesse d'agir toute seule et tu fais appel vibrant et solennel à l'aide. L'humanisme present chez toi révèle d'une préoccupation instinctive et touche mon entendement . Cette observation vivante retrace la vie de T'Antoine. En plus d'une lettre, je dirais, c'est aussi un appel aux consciences éclairées ( jeunesse consciencieuse) de réfléchir et combattre cette inégalité grandissante qui se profile à l'horizon.. Ce manichéisme original un peu present ds tn texte nous inspire plusieurs choses en rapport a l'acteur Ti Antoine: rêve de vivre entre le banditisme et l'espoir d'une prise en charge.

Ton texte combien eloquent, vivant, érotique nous pousse à nous questionner ce qu'est nous même en réalité ? La société peut-elle continuer à exprimer son ral bol pas rapport à ce système qui nous handicap et qui favorise l'inégalité de chance ?

Ce texte devrait ( aujourd'hui) être un hymne destiné à la jeunesse de mon pays. Un leitmotiv, un moyen qui cherche à réveiller les consciences sommeilleuses. Cet adresse à la jeunesse estudiantine du pays, les jeûnes de Penser/Panse Haiti (pph), a été bien accueilli, dont moi même en réalité

Sanon Alexandre
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Vita, sincèrement ton texte me traverse avec beaucoup d'aisance et je dois affirmer que t'es une étoile montante. Je te dis bravo et continue ta route!

El Rey
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Très beau texte! Félicitation ma Vivi!

Mezil
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Félicitation vita!
Ton texte relate les situations pitoyables du pays. Continues a utiliser ta plume pour dire non.

Vita PIERRE
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Je suis très contente de vos lectures mes chers amis.
Un peu de mots pour eveiller l'ame endormi!!!

Norcius Stanley
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Belle plume Pierre Vita ! indubitablement t'es une valeur montante de la littérature.

Carline D. Ostiné
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J'ai fini ton texte avec des larmes aux yeux Maître Vita.
Il faut vraiment que nous prenons des initiatives concrètes à l'égard de ces enfants. Nous avons pas mal d'organisation créés au nom des enfants de rue. Mais aucun changement concret a été effectué. On se demande que faire?
J'aimerais tellement que des gens qui peuvent comprendre la situation et aussi prendre des décisions puissent voir ton texte.
Merci encore une fois.
Je suis sûre et certaines que Lilia saura te souffler les mots justes pour adresser cette lettre au concernés.

Bien a toi